Il y a des matins où le brouillard semble s’être invité non seulement dehors, mais aussi à l’intérieur de nous. Une brume épaisse qui rend flous les contours de nos désirs, de nos envies, de nos rêves. On avance, un pied devant l’autre, porté par le courant de la vie, des conventions, des attentes des autres, sans jamais vraiment se poser la question : « Mais moi, qu’est-ce que je veux vraiment ? »
Cette question, je me la suis longtemps évitée. Au moment de passer mon bac, le chemin semblait tout tracé : j’adorais les animaux, je serai donc vétérinaire. Une évidence, simple et rassurante. Pourtant, dès les premiers jours en classe préparatoire, le rêve s’est heurté à une réalité brutale. L’ambiance concurrentielle, à mille lieues de la solidarité de mes années de lycée à l’étranger, le discours darwiniste des professeurs… et puis, un matin, la vision de trente grenouilles épinglées sur les paillasses, prêtes à être disséquées.
Ce fut un choc, une prise de conscience violente : ce chemin n’était pas le mien. Et soudain, le vide. L’errance. Une succession de tentatives, de la prépa pharmacie au DEUG de biologie, sans jamais trouver ma place. Jusqu’à ce que je décide, enfin, d’écouter une petite voix intérieure, celle qui me ramenait à mon enfance, à ma nounou chinoise, et à cette langue que j’avais apprise comme une langue maternelle. Ce jour-là, en m’inscrivant à l’INALCO, j’ai commencé à comprendre que le plus beau des voyages était celui qui me ramenait à moi-même.
Dans cet article, je te partage les clés pour comprendre pourquoi il est si difficile de savoir ce que l’on veut, et comment, pas à pas, on peut apprendre à y voir plus clair.
Quand le bruit du monde couvre la voix de l’âme
Nous vivons dans un monde bruyant. Un monde qui nous dicte en permanence ce que nous devrions être, faire, vouloir. Les injonctions à la réussite, au bonheur, à la performance sont partout, et il est facile de se laisser porter par ce courant, de suivre le chemin balisé par le système scolaire, les conventions sociales, les attentes familiales. On se retrouve alors à faire des choix qui ne sont pas les nôtres, à poursuivre des rêves qui ne nous appartiennent pas. Et au fond de nous, une petite voix s’éteint peu à peu, celle de notre intuition, de notre âme.
Les neurosciences nous apprennent aujourd’hui que nos décisions sont bien plus souvent le fruit de nos émotions que de notre raison.
Comme l’explique le neuroscientifique Antonio Damasio dans son ouvrage fondateur L’Erreur de Descartes, notre cerveau utilise des « marqueurs somatiques », des signaux corporels associés à nos expériences passées, pour nous guider dans nos choix. C’est cette fameuse « intuition », cette petite voix qui nous dit « oui » ou « non » bien avant que notre esprit rationnel n’ait eu le temps d’analyser la situation. Mais pour entendre cette voix, il faut du silence. Il faut apprendre à se déconnecter du bruit du monde pour se reconnecter à soi.
Le problème, c’est que nous avons appris à nous méfier de nos émotions, à les considérer comme des ennemies de la raison. On nous a enseigné qu’il fallait être rationnel, logique, cartésien. Mais cette séparation entre raison et émotion est une illusion. Nos émotions sont des messagères précieuses qui nous renseignent sur ce qui compte vraiment pour nous. Lorsque nous les ignorons, nous nous coupons de notre boussole intérieure et nous nous perdons dans un océan de possibilités qui ne nous appartiennent pas.
Le piège de la multipotentialité : trop de chemins, trop de doutes
Pour certains d’entre nous, la difficulté à savoir ce que l’on veut est amplifiée par une particularité : la multipotentialité. Nous sommes ces personnes qui s’intéressent à tout, qui ont mille passions, mille talents, mille envies. Et face à cette richesse intérieure, le choix devient un véritable supplice. Car choisir, c’est renoncer. C’est fermer des portes, se priver de découvertes, accepter de ne pas tout explorer. Pour un multipotentiel, faire un choix peut ressembler à une amputation.
J’ai longtemps cru que cette pluralité était un défaut, une incapacité à me concentrer, à m’engager. Je me comparais aux autres, à ceux qui semblaient avoir trouvé leur voie dès l’adolescence et qui avançaient sur un chemin linéaire, sans détours, sans hésitations. Moi, je papillonnais. Je m’enflammais pour un projet et quelques mois plus tard, je m’en désintéressais pour me lancer dans une nouvelle aventure. Cette instabilité me culpabilisait. Je me demandais ce qui n’allait pas chez moi, pourquoi je n’arrivais pas à me fixer, à choisir une direction et à m’y tenir.
Aujourd’hui, je comprends que cette pluralité n’est pas une faiblesse, mais une force. Que mon chemin en zigzag m’a permis d’accumuler des expériences riches et variées, de développer des compétences multiples, de tisser des liens entre des univers apparemment éloignés. Mais pour en arriver là, il a fallu que j’apprenne à me connaître, à accepter mon fonctionnement, à redéfinir ma relation au choix. Car choisir, ce n’est pas forcément renoncer pour toujours. C’est simplement dire « oui » à quelque chose maintenant, tout en gardant la porte ouverte pour d’autres aventures plus tard.
Se connaître, un acte d’amour et de courage
Avec le recul, je me dis que si la connaissance de soi était une matière enseignée à l’école, mes choix d’orientation auraient été bien plus simples. Car comment savoir ce que l’on veut si l’on ne sait pas qui l’on est ? Comment choisir un chemin si l’on ignore sa propre géographie intérieure, ses montagnes et ses vallées, ses forces et ses fragilités ?
L’introspection est cette démarche courageuse qui consiste à tourner son regard vers l’intérieur. C’est un cheminement qui demande de l’honnêteté, de la patience et beaucoup de bienveillance envers soi-même. Il s’agit d’observer ses pensées, d’accueillir ses émotions sans jugement, de comprendre ses modes de fonctionnement, de revisiter son histoire pour y déceler les fils rouges de ses désirs profonds. C’est un processus de dévoilement, qui permet de faire tomber les masques que l’on porte pour plaire aux autres, pour se conformer, pour se protéger. Et sous les masques, on retrouve son visage nu, sa vérité essentielle.
Cette quête de soi n’est pas un luxe, c’est une nécessité. C’est ce qui nous permet de prendre des décisions alignées avec qui nous sommes vraiment, et non avec ce que les autres attendent de nous. ous donne la clarté nécessaire pour distinguer nos véritables aspirations des désirs empruntés, ceux que nous avons intégrés sans même nous en rendre compte. C’est ce qui nous permet de dire « oui » avec conviction et « non » sans culpabilité.
Mais attention, se connaître ne signifie pas se figer dans une identité immuable. Nous sommes des êtres en mouvement, en constante évolution. Ce qui était vrai pour nous hier ne l’est peut-être plus aujourd’hui. La connaissance de soi est donc un dialogue permanent avec soi-même, une écoute attentive de ce qui se passe à l’intérieur, une disponibilité à accueillir les transformations qui s’opèrent en nous au fil du temps et des expériences.
Retrouver sa boussole intérieure
Alors, comment faire, concrètement, pour y voir plus clair ? Il n’y a pas de recette magique, mais des pistes à explorer, des outils à expérimenter. L’écriture, par exemple, est un merveilleux miroir de l’âme. Tenir un journal, sans censure, permet de mettre à jour ses pensées, de démêler l’écheveau de ses émotions, de voir émerger ses véritables aspirations. Chaque matin, prendre quelques minutes pour écrire ce qui nous traverse, ce qui nous habite, ce qui nous appelle. Sans chercher à être cohérent ou brillant. Juste pour laisser la plume danser sur le papier et révéler ce qui se cache sous la surface.
En méditant ?
La méditation est une autre porte d’entrée vers notre intériorité. S’asseoir en silence, observer le va-et-vient de ses pensées sans s’y accrocher, revenir à son souffle, à son corps. Dans ce silence, des réponses émergent, des évidences se font jour. La marche en nature, elle aussi, a ce pouvoir apaisant qui permet à l’esprit de se déposer et au cœur de parler. Le mouvement du corps libère le mouvement de l’âme.
La pratique artistique, quelle qu’elle soit, est également un formidable outil de connaissance de soi. Peindre, danser, chanter, sculpter… Créer, c’est se révéler. C’est laisser sortir ce qui est enfoui au plus profond de nous, ce qui n’a pas de mots, ce qui ne peut s’exprimer que par les couleurs, les formes, les sons. L’art est un langage de l’âme, et en créant, on se rencontre.
Il s’agit aussi de s’autoriser à ne pas savoir. D’accepter les moments de brouillard comme des temps de gestation, des invitations à ralentir, à écouter. Notre société valorise la rapidité, l’efficacité, les réponses immédiates. Mais certaines questions demandent du temps pour mûrir. Certaines réponses ne peuvent émerger que dans le silence et la patience. Et puis, un jour, au détour d’une conversation, d’une lecture, d’un rêve, une lumière se fait. Une évidence apparaît. Le chemin se dessine, non pas comme une autoroute toute tracée, mais comme un sentier à défricher, pas à pas, avec confiance et curiosité. Un chemin qui nous ressemble, un chemin qui nous rend vivants.
Conclusion
Savoir ce que l’on veut n’est pas un état permanent, mais une quête, un dialogue constant avec soi-même. C’est un chemin de liberté, celui de choisir sa vie plutôt que de la subir. Et toi, quelle partie de toi attend encore d’être rencontrée ?
Envie d’aller plus loin dans cette exploration intérieure ? Découvre le programme « 30 jours pour mieux te connaître », une méthode pour te guider pas à pas sur le chemin de la connaissance de soi et retrouver ta clarté intérieure.